Vol de Strat-Two, c'est fini !
Strat-Two s'est envolé le 2 juin 2023 à 11h30 de la cour de la cité scolaire Triboulet à Romans-sur-Isère.
Il s'est posé environ 3h plus tard sur les hauteurs d'Empurany (Ardèche), après avoir flirté avec les 32000m d'altitude.
Projet 2022-2023 : Strat-Two
- Participants et déroulement
- Quelques éléments techniques
- Partie embarquée
- Partie mécanique
- Partie sol
- Vol
- Résumé
- Extraits des vidéos embarquées (décollage, éclatement, atterrissage)
- Suivi et télémesures
- Articles de presse
- Quelques compte-rendus et témoignages d'élèves
Participants et déroulement
Le projet a été mené par :
- Le Lycée Triboulet de Romans-sur Isère
- Un groupe d'élèves de seconde option SL (Sciences et Laboratoire) et préparant le BIA (Brevet d'Initiation à l'Aéronautique) ont choisi les expériences à embarquer et étudié et étalonné les capteurs embarqués.
- Le Collège Triboulet de Romans-sur Isère
- un groupe d'élèves de troisème, dans le cadre de leur enseignement en technologie, ont étudié les aspects mécaniques du cahier des charges et ont conçu une nacelle (la boite embarquant les expériences).
- Le Collège de l'Europe de Bourg-de-Péage
- deux groupes d'élèves de quatrième et troisème, dans le cadre de leur enseignement en technologie ou de la préparation au BIA, ont étudié les aspects mécaniques du cahier des charges et ont conçu une nacelle (la boite embarquant les expériences).
- Le Département Informatique de l'IUT de Valence
- 1 étudiant de 2e année de BUT Informatique, a développé un logiciel d'analyse de paquets et a prototypé un simulateur de GPS, tous deux intégrés à l'infrastructure de suivi.
- Le L0AD (Laboratoire Ouvert Ardèche-Drôme)
- Quelques membres de ce hackerspace associatif ont intégré le système principal dans la nacelle, réalisé un système secondaire, assuré l'intégration des équipements de prise de vue, mis en place l'infrastructure de suivi, procédé aux tests de l'ensemble et participé à la récupération de la nacelle.
Ce projet, sur lequel tous les élèves et étudiants ont travaillé tout au long de l'année, a été ponctué d'évènements :
- 15 septembre 2022 : Présentation générale du projet aux élèves de 2de SL.
- 24 novembre 2022 : Première visite du suiveur de Planète-Sciences Auvergne-Rhône-Alpes, Vincent Lenoir, en présence des lycéens et collégiens. Premières réflexions avec les élèves autour des expériences
- 27 avril 2023 : Sortie des lycéens et collégiens au Fablab de Crest (visite et ateliers de fabrication numérique), visite du musée de l’Aviation de Montélimar dans le cadre de la préparation au BIA.
- 11 mai 2023 : Seconde visite du suiveur de Planète-Sciences Auvergne-Rhône-Alpes. Présentation par les lycéens de l’étalonnage des capteurs. Présentation de la nacelle réalisée par les collégiens du collège de l'Europe.
- 23 mai 2023 : Sortie des lycéens à Valence, Visite de l'IUT et du laboratoire LCIS, conférence Informatique et agronomie.
- 2 juin 2023 : Lâcher du ballon stratosphérique depuis le Lycée, en présence de tous les participants. Suivi de la télémesure avec l'aérotechnicien de Planète-Sciences Auvergne-Rhône-Alpes, Nicolas Janin. Récupération de la nacelle par les Radio-Amateurs, Bruno Gaudin (F1IMO) et Jean-Pierre Munger (F6BNV), et par trois membres du L0AD.
Quelques éléments techniques
Partie embarquée
Le système principal était fourni par le CNES (émetteur Kikiwi), et permettait :
- de prendre des mesures analogiques sur 8 voies (capteurs alimentés en 3.3V)
- de transmettre (toutes les 2s) les mesures et la position (AFSK 1200 bits/s, sur 869.525 MHz, portée à plusieurs centaines de km)
- de stocker les mesures et la position sur une carte micro-SD
- d'émettre la position GPS par SMS chaque minute (si couverture réseau)
Un schéma d'architecture est présenté ci-dessus (cliquer pour voir l'image complète), avec les mesures embarquées :
- Température intérieure / extérieure
- Pression
- Hygrométrie
- Taux de CO2
- Luminosité visible et infra-rouge
Le système secondaire réalisé initialement à l'IUT de Valence (étudiants, enseignants) et dont le développement a été poursuivi par les mebres L0AD, permettait :
- de prendre des mesures numériques (modules capteurs alimentés en 3.3V), toutes les 10 secondes
- de stocker les mesures, la position et d'autres informations utiles sur une carte micro-SD
- de transmettre (toutes les 150 secondes) les mesures et la position (LoRaWan, SF9/868MHz)
Un schéma d'architecture est présenté ci-dessus (cliquer pour voir l'image complète), avec les mesures embarquées :
- Température intérieure / extérieure (capteurs redondants différents)
- Pression
- Hygrométrie
- Taux de CO2
3 caméras autonomes (semblables à des GoPro) permettaient de filmer :
- Le sol, en 1080p à 60 images/s (HawkEye Firefly 6S)
- le ballon (et son éclatement), en 720p à 120 images/s (WolgFang GA100)
- Le sol, l'horizon et le ballon, en 2.7k à 60 images/s (RunCam Split-HD), via un servo-moteur commandé par le système secondaire en fonction de l'altitude.
Partie mécanique
Deux nacelles ont été réalisées, par chacun des groupes de collégiens, après étude des matériaux, croquis, conception 3D et réalisation de maquettes à échelle réduite.
Il a été choisi de faire voler celle réalisée par les collégiens du collège de l'Europe de Bourg. C'est un cube de polystyrène extrudé de 30x30x30cm (collé/renforcé), avec des parois de 2cm d'épaisseur, composé de 2 parties (haut/bas) qui s'emboitent. Sa masse est d'environ 250g. Y était placé un squellette, réalisé par le L0AD, formé de 3 plateaux de carton ondulé reliés par des entretoises en MDF. Les différents éléments étaient fixés sur le squelette, les capteurs devant avoir un accès sur l'extérieur étant placés à l'interface des 2 parties de la nacelle.
Ci dessous, quelques photos des éléments intégrés (presque prêt à voler, tout n'est pas connecté), sur lesquelles on retrouvera les capteurs et systèmes présentés précédemment.
Partie sol
La nacelle possèdait 3 dispositifs radio différents :
- L'émetteur Kikiwi du système principal, prété par Planète-Sciences et le CNES, éméttant en AFSK (1200-2200 Hz) sur 868 MHz
- L'émetteur LoRaWan du système secondaire, émettant en SF9/125 sur 868 MHz
- Une radio-sonde type M2K2, prétée par les radios-amateurs Rhônalpins qui ont assuré la récupération, émettant sur 433 MHz
Un schéma d'architecture est présenté ci-dessus (cliquer pour voir l'image complète), avec les différentes solutions de suivi :
- Les trames émises par le système principal étaient destinées à être observées localement sur le site de lacher, par un aérotechnicien de Planète-Sciences, à l'aide d'une baie de réception UHF et du logiciel KikiwiSoft qui permettait de voir les données brutes, les courbes de mesure et la trajectoire du ballon.
- Les trames émises par le système secondaire étaient diffusées sur le réseau The Things Network. Elles pouvaient alors être observées directement via les interfaces clientes de l'infrastructure TTN ou être récupérées via MQTT pour être visualisées a postériori. Un tableau de bord avait été également réalisé sur TagoIo afin de pouvoir visualiser les mesures instantanées, les courbes et la trajectoire du ballon. Une voiture de poursuite avait été équipée d'une station de réception mobile LoRaWan pour participer au relai des données.
- Les trames émises par la radio-sonde étaient relayées par des stations radio-amateurs (fixes ou mobiles) vers un serveur web qui permettait d'observer à distance la trajectoire du ballon
Vol de Strat-Two
En résumé
La prévision à H-12 (cliquer pour aggrandir), réalisée via CUSF Landing Predictor, promettait une randonnée sympatique en Ardèche pour aller le récupérer ;-)
Après avoir décollé à 11h30 le 2 juin 2023 de la cour du lycée Triboulet à Romans-sur-Isère, Strat-Two a éclaté à environ 13h20 à 32000m au dessus de l'Ardèche (un peu en dessous de Saint-Félicien), conformément à la prévision.
Après éclatement, la nacelle est descendue relativement vite et a attéri une demi-heure plus tard sur les hauteurs d'Empurany, dans un pré juste après avoir frolé les arbres.
Préparatifs
(photos à venir ...)
Nicolas Janin, l'aérotechnicien responsable du lacher, est arrivé vers 9h30 et plusieurs chantiers ont été lancés en parallèle :
- Qualification de la nacelle (vérification du respect du cahier des charges)
- Montage de la chaine de vol (parachute, anneau anti-torche, réflecteur radar)
- Mise en place de la télémesure
Envol
La nacelle étant qualifiée, fermée (et décorée par un groupe de collégiens du collège Triboulet) et la télémesure étant fonctionnelle, tout le monde s'est dirigé vers la zone de lacher.
Une bache a été déployée au sol, l'enveloppe du ballon a été déposée dessus, et une autre bache a été posée au dessus du ballon pour le maintenir au sol pendant le gonflage.
Le feu vert a été donné par la DGAC, jointe au téléphone par l'aérotechnicien, pour un décollage dans la demi-heure.
Les bouteilles d'Helium ont été approchées au plus près et le gonflage a pu démarrer après que l'aérotechnicien ait donnée les consignes aux différents postes (gonflage, maintien).
2 bouteilles d'Hélium (soit environ 6000 litres) ont été vidées dans l'enveloppe par 2 lycéens, la ballon prenant progressivement sa forme ronde et son diamètre final d'environ 2m,
toujours maintenu par un groupe d'une dizaine d'élèves.
Une fois le ballon gonflé, la tuyère a été ligaturée puis le reste de la chaine de vol a été approché du ballon.
Comme il y avait peu de vent, l'aérotechnicien a opté pour un lacher à l'anneau.
Un anneau a été placé entre le ballon et le reste de la chaine de vol. On y a fait passer une ficelle maintenue par 2 élèves.
L'aérotechnicien s'est saisit du ballon, la bache de maintien a été retirée, et il a laissé flotter le ballon au dessus de sa tête.
En déroulant progressivement la ficelle, la chaine de vol s'est élèvée progressivement jusqu'à faire flotter la nacelle au dessus de la zone de lacher.
Le compte à rebours a été lancé et, lorsqu'il s'est achevé, l'un des 2 élèves a laché la ficelle, ce qui a libéré le ballon qui a pris son envol.
Suivi
Le suivi a pu être effectué par les 3 moyens disponibles :
- la télémesure kikiwi en classe a permis d'observer les courbes de manière fiable et régulière, avec un positionnement GPS, jusqu'à 4000m dans la descente.
- la sonde radio-amateur a assuré la transmission jusqu'à son atterrissage à Bozas, la trajectoire est toujours visible sur le site dédié des radio amateurs ici (cliquer sur charger tracé pour faire réapparaitre l'ensemble de la trajectoire).
- la balise LoRaWan n'avait pas de positionnement GPS depuis le début du vol (l'analyse post-vol a permis de comprendre que cela était du à des interférences avec l'émetteur Kikiwi), les trames sont arrivées régulièrement et de manière fiable, relayées par des passerelles dont la plus lointaine se situait à Lausanne (Suisse).
L'équipe de récupération (une voiture de radio-amateurs avec suivi de leur sonde, une voiture du L0AD avec suivi de leur balise) est partie peu de temps après le lacher pour Saint Félicien (en suivant la prévision).
Des informations curieuses ont été obtenues pendant la descente :
- la radiosonde indiquait des altitudes très variables pendant les premières minutes de descente, ce qui laissait penser que le GPS dysfonctionnait, puis le suivi a pu reprendre normalement jusqu'à en déduire que l'atterissage avait eu lieu à Bozas.
- alors que la radiosonde semblait avoir atterri, la télémesure Kikiwi montrait que la nacelle était toujours en vol.
- les mesures de pression du système secondaire semblaient indiquer également que la nacelle était toujours en vol.
L'hypothèse la plus probable était que la radiosonde et la nacelle ne voyageaient plus ensemble ...
Les vidéos embarquées ont montré effectivement que la nacelle est redescendue sans parachute (celui-ci qui n'a pas été retrouvé), fréinée par le réflecteur radar :
- Le parachute s'est mis en torche environ 2 minutes après l'éclatement, les suspentes s'étant emmélées au fil des secousses.
- Le parachute s'est alors mis à tourner très vite sur lui-même, ce qui a provoqué 2 minutes plus tard (5 minutes après l'éclatement environ) le cisaillement de la ficelle qui le reliait au réflecteur.
Quelques secondes après le larguage du parachute, la radiosonde a été éjectée (la ficelle qui la reliait au réflecteur a cassé après un balancement très violent). Elle est retombée dans un pré à Bozas, elle a pu être retrouvée assez rapidement par l'équipe de récupération, elle éméttait toujours et était en parfait état.
La nacelle a pu être retrouvée avec un peu de chance.
L'émetteur kikiwi avait donné une position au dessus de Bozas à 4000m d'altitude. Au sol, le Kikiwi n'éméttait plus. A partir de cette position, une prévision d'atterissage faite sur place a permis de considérer Empurany comme un point de chute probable. L'équipe de récupération s'est donc postée à Empurany pour essayer de retrouver le signal du kikiwi ou du système LoRaWan. Le kikiwi s'était manifestement arrêté mais la baie de réception LoRaWan mobile a permis de recevoir un message avec une position (plus d'interférences après l'arrêt du kikiwi).
La nacelle a pu être récupérée facilement dans un pré, le réflecteur radar était parfaitement visible depuis la route.
Résultats
Les résultats sont positifs et chargés d'ensignements, beaucoup d'éléments restent encore à analyser.
Les lycéens vont notamment exploiter les mesures de leurs capteurs, enregistrées intégralement sur la carte SD embarquée.
Les vidéos embarquées sont très réussies (cf. plus bas).
Quelques photos ci-dessous (cliquer pour aggrandir), notamment des captures d'écran de l'éclatement filmé à 120 images/s.